Emblématique Bâtiment 5

Attendu après l’énorme succès des Misérables, Ladj Ly poursuit avec Bâtiment 5 son immersion dans les banlieues, aux côtés d’habitants confrontés à la destruction programmée et hautement politique de leur immeuble.

Claire Brugier

Le7.info

La ville s’appelle Montvillers mais son nom n’a pas davantage d’importance que celui du quartier des Bosquets, si ce n’est le clin d’œil à la cité de Montfermeil dans laquelle a grandi Ladj Ly. L’histoire filmée dans Bâtiment 5 par le réalisateur des Misérables, quatre ans après cet énorme succès public et critique, se passe ici comme elle pourrait se passer ailleurs. Façades d’immeubles sales, cages d’escalier graffitées avec plus ou moins -plutôt moins- de talent, murs qui suintent, ascenseur en panne depuis des lustres… Rien d’original sous la grisaille hivernale d’une ville de banlieue hérissée d’immeubles, où la municipalité s’applique à mener une politique d’urbanisme offensive. La rénovation urbaine est en marche, tant pis pour les habitants du bâtiment 5, immigrés d’hier et d’aujourd’hui, ou enfants de. C’est là qu’a grandi Haby Keita. Employée au service des archives de la Ville, la jeune femme est aussi bénévole dans une association qui aide ses voisins à lire entre les lignes de l’administration. Discrète, elle observe la tension monter, une tension communicative qui tourne à la révolte.
Immersive, la caméra de Ladj Ly la filme au plus près des personnages, sans manichéisme, juste pour dire les choses. Anta Diaw, remarquable de retenue, campe « une Française d’aujourd’hui » déterminée, soucieuse de ne pas céder à la révolte quand son ami Braz y sombre doucement.
Entraide, manigances politiques, pouvoir du vote, hypocrisie d’un discours où une expulsion devient « évacuation d’urgence » et où le vivre-ensemble sert à justifier une « immigration choisie »… A la faveur d’images et de phrases simples et fortes, le réalisateur aborde pêle-mêle toutes les facettes d’une réalité sociale qui cristallise les tensions et les incompréhensions. Terrible scène d’expulsion qui, entre agitation et visages hébétés, semble faire écho à des rafles survenues en d’autres temps… A voir comme un documentaire engagé.

Drame, de Ladj Ly avec Anta Diaw, Aristote Luyindula, Alexis Manenti (1h40).

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