W.-P. Dupont: «L'A380 a toute sa place»

Le premier vol commercial de l'A380 sous pavillon Air France s'est déroulé ce matin. A cette occasion, 7 à Poitiers a interrogé Willy-Pierre Dupont, directeur des activités aéroportuaires chez Airbus et diplômé de l’Ensma (Technopole du Futuroscope) en 1982. Cet ingénieur a planché sur la conception du plus gros avion du monde durant près de vingt ans. Il raconte son aventure humaine.

Romain Mudrak

Le7.info

Entre l’A380 et vous, c’est une longue histoire…
«En tant qu’ingénieur en avant-projet chez Aérospatial, j'ai pu travailler sur le long terme. C’était passionnant. Je me suis d’abord concentré sur un gros porteur militaire que l’on appelle aujourd’hui l’A400 M. En parallèle, j'ai coordonné l'avant-projet du futur A321. Mais dès 1990, une dizaine d'ingénieurs de MBB, British aerospace et Aérospatial ont planché sur un avion de 600 sièges plus grand que la référence du moment, le Boeing 747. Pendant deux ans, il a été question de créer un avion en partenariat avec la firme américaine. Néanmoins, on s'est vite rendu compte que nos principes constructifs étaient très différents. Les harmoniser aurait nécessité un surcoût de 25%. Nous avons opté pour une autre solution mais nous avons récupéré de précieuses informations techniques au passage. L'A380 s'est concrétisé après 1998. Boeing nous a beaucoup aidés à ses dépens car leur 747 (600) s’est avéré trop long et trop large pour les capacités d'accueil des aéroports. Cette donnée avait échappé à tout le monde.»


Au-delà de l’innovation technologique, contraindre les aéroports du monde à effectuer les travaux nécessaires à l’accueil de l’A380 a été l’autre défi à relever, n’est-ce pas ?

«Il se trouve qu’en 1994, j'ai commencé à travailler sur la question. C'est aux Etats-Unis que le problème a été particulièrement sensible car la plupart des aéroports étaient déjà sous-dimensionnés pour accueillir le 747. Dans la patrie de Boeing, la bagarre a duré 15 ans.»


Quels intérêts avaient-ils à céder ?

«Les Américains ont fini par comprendre l’intérêt économique de l’opération. L’A380 permet d’embarquer 35% de passagers de plus qu’un 747. C'est donc 35% de taxes d'aéroport supplémentaires. D'autre part, sur un plan écologique, cette machine est impressionnante. La consommation par siège le prouve. Avec la raréfaction du pétrole, l'A380 a toute sa place. Et puis, un aéroport ne peut pas s'étendre indéfiniment sur le territoire. L'A380 accroît le nombre de passagers sans construire de nouvelles pistes. C’est pourquoi Londres l’a adopté.»


Vous pilotez vous-même ?

«J'ai appris à piloter à l'Ensma. J’estime que savoir piloter fait partie du cursus de l'ingénieur en aéronautique. Malheureusement, mes yeux m’ont contraint à stopper cette activité.»

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