Affaire Tiphaine Véron : « avoir une lecture différente »

Le dossier relatif à la disparition de Tiphaine Véron est désormais entre les mains du pôle de Nanterre, spécialisé dans les cold cases. L’avocate de la famille Me Corinne Herrmann en espère une nouvelle lecture de l’affaire.

Claire Brugier

Le7.info

Quelles sont les particularités du pôle cold cases de Nanterre, dont vous êtes l’une des instigatrices ?

« Cela faisait vingt ans que je rêvais de ce pôle. C’est un outil dont on avait besoin, qui va se construire petit à petit, sur le modèle des pôles financier, antiterroriste ou santé qui existent déjà. Nos magistrats traitent beaucoup d’agressions sexuelles ou de trafics de drogue, mais ils font peu de meurtres de sang, de disparitions… Ils sont donc moins bons, n’ont pas envie de reprendre de vieilles affaires. Il était nécessaire d’avoir des magistrats spécialisés, pour avoir une lecture différente de ces dossiers. »

Quels sont-ils ?

« Des homicides et des viols de plus de dix-huit mois ou qui présentent une particulière complexité, comme la tuerie de Chevaline, des disparitions comme l’affaire Marion Wagon, ou des affaires ayant un caractère extérieur, comme celle de Tiphaine Véron au Japon. »

Depuis le début, sa famille se heurte au système judiciaire japonais, très différent du français. Comment les concilier ?

« Je ne vais pas révéler mes techniques car je veux des résultats. Jusqu’à présent le parcours de la famille Véron avec la justice française a été un calvaire. Il faut d’abord consolider la procédure en France. Il ne suffit pas de dire que le juge a changé. Puis ce sera à la justice française de parler à la justice japonaise. »

Pourquoi vous être emparée de ce dossier ?

« Ce dossier, c’est mon ADN ! Il est intéressant d’accompagner les proches de Tiphaine pour décrypter le parcours de justice, l’adoucir, être l’interlocutrice des magistrats. J’ai envie de les aider à avoir des réponses. La première chose était de faire sortir l’affaire du non-lieu. »


Quel regard portez-vous 
sur leur combat ?

« Je suis admirative des moyens et de l’énergie qu’ils y ont mis. C’est un parcours affreux mais il y a aussi cet amour qui les porte, la volonté de savoir ce qui est arrivé à leur sœur ou fille, cette souffrance de l’être perdu, comme dans l’affaire Estelle Mouzin. C’est leur moteur. Malheureusement, toutes les familles n’ont pas cette force et beaucoup abandonnent car on leur dit que leur dossier est prescrit, qu’elles n’arriveront à rien, alors que le pôle est la preuve que des professionnels les croient ! »

Quelle seront 
les prochaines étapes ?

« La juge Sabine Kheris, doyenne et coordinatrice du pôle, a proposé à la famille de la recevoir début avril. Elle dirigera l’enquête, en co-désignation avec Emmanuelle Ducos. Elle se rendra au Japon, cela fait partie du processus d’enquête, mais il faut auparavant construire juridiquement le dossier. Parfois, en relisant des procédures, on découvre beaucoup de choses. Les questions sont souvent : quel est le mobile ? L’auteur ? Or il faut d’abord se pencher sur ce qu’il y a à faire techniquement pour avoir la trace de l’auteur. On doit laisser toutes les hypothèses ouvertes. »


Combien d’affaires restent-elles non élucidées ?

« On estime entre 800 et 
1 000 le nombre de crimes par an en France, sous réserve des chiffres que l’on ne connaît pas concernant des personnes en situation de handicap, âgées, des disparitions… Entre 10 et 20% de ces dossiers ne seront jamais résolus. Multipliés par le nombre d’années, cela fait de quoi occuper le pôle cold cases. »

 

L’ONU interpelle le Japon

En octobre dernier, Damien Véron avait été invité à évoquer la disparition de sa sœur Tiphaine devant le comité du Haut-Commissariat aux droits de l'Homme des Nations-Unies, à Genève (Suisse). A la suite de cette interpellation et conformément à une convention existante, le Comité des disparitions forcées vient de lancer une demande d'action en urgence à l'encontre du Japon, avec réponse attendue avant le 14 avril. « Un peu à l'image d'une commission rogatoire internationale (CRI), l'ONU va demander d'agir et de fournir des pièces concrètes, comme par exemple faire en sorte qu'une enquête soit menée immédiatement, que des moyens nécessaires soient mis en œuvre pour retrouver Tiphaine, d’obtenir de toute urgence les informations relatives au téléphone, que le Japon accepte une collaboration directe avec la France pour retrouver Tiphaine, d’identifier les suspects, que nous  la famille puissions  accéder au dossier d'enquête et être informée des avancées », précise Damien Véron rappelant que jusqu’à présent « les CRI étaient revenues vide ».

 

À lire aussi ...