Grégory Touzalin :« Je ne suis pas le seul responsable »

Dirigeant de Villas et demeures de France pendant douze ans, Grégory Touzalin s’explique sur la liquidation judiciaire de son entreprise, intervenue le 29 janvier 2019, et son départ vers le Maroc mal perçu par ses anciens clients. 

Arnault Varanne

Le7.info

Grégory Touzalin, huit mois après la disparition de Villas et demeures de France, pourquoi avez-vous choisi de quitter la France ? 
« Poitiers est un village et il m’était difficile d’y rester pour travailler. Je tiens tout de même à signaler que je suis resté six mois après la liquidation pour essayer de trouver des solutions pour mes clients et les garants. »

Comprenez-vous que le fait que vous ayez créé, à Marrakech, une structure baptisée Villas et demeures du Maroc suscite de l’émotion ici ? 
« J’ai créé cette société dans laquelle je suis le seul salarié. Il y avait une dimension sentimentale après ce qui s’est passé à Poitiers. J’ai laissé mes enfants, ma famille… Je n’ai rien à cacher. » 

Quelle part de responsabilité vous attribuez-vous dans la faillite de votre entreprise ? 
« La facilité, c’est de dire que VDF et Grégory Touzalin ont fait du mauvais travail. En réalité, j’ai bien sûr des torts et je me fais souvent des reproches. Maintenant, je ne suis pas le seul responsable dans cette affaire. Entre 2004 et 2019, j’ai payé 8M€ aux assurances (*) pour couvrir les clients au cas où il arriverait quelque chose ! Une fois que nous avons été mis en redressement judiciaire, le garant (**) a appelé tous nos clients pour leur dire de ne pas payer les appels de fonds. Ce qu’ils ont fait et cela nous a précipités vers la liquidation. »

« Pas toujours répondu aux clients »

Vous évoquez également un montant de garantie passé de 21M€ à 13M€… 

« C’est simple, si vous n’avez pas la garantie qu’une assurance prendra le relais sur vos chantiers, vous ne pouvez pas engager les travaux. Nous avions besoin de 16M€ et la CGEC a volontairement diminué à 13M€. Le garant a fait en sorte que Villas et demeures de France tombe à l’eau. »

Plusieurs clients ont évoqué des malfaçons et une absence totale de réponse à leurs courriers et mails sur les derniers mois. Vous confirmez ? 
« En plus de vingt-cinq ans, nous avons construit plus de 4 500 maisons. Vous pouvez imaginer un instant que nous aurions tenu aussi longtemps si nous ne faisions pas de la qualité ? Mes artisans n’ont pas changé. Après, je reconnais qu’à partir du redressement, j’ai eu du mal à les payer, que les délais se sont allongés et que je n’ai pas toujours répondu aux clients. Mais je le répète, je ne suis pas le seul responsable. »

(*) La Compagnie européenne de garanties et cautions est une filiale du groupe Banque populaire-Caisse d’Epargne. 

(**) Collaborateur de la CGEC.

 

Passif : des dettes par millions 
Mandataire judiciaire, Me Capel a été désignée par le tribunal de commerce de Poitiers pour « solder » la liquidation de l’entreprise presque trentenaire. L’évaluation du passif est actuellement en cours. Par son envergure (41 salariés, 17M€ en 2017, 10M€ en 2018) et ses dettes (plusieurs millions d’euros à l’Urssaf, au fisc et à l’AGS, qui garantit les salaires des collaborateurs), Villas et demeures de France ne ressemble à aucun autre dossier. Les sous-traitants du constructeur -sans compter les fournisseurs- auraient chacun perdu« entre 20 000 et 80 000€ »selon la Fédération du bâtiment. Qui précise : « Aucun n’a déposé le bilan, mais certains se sont retrouvés en difficulté. » Sans espoir de récupérer leur dû. Il se murmure que certains chantiers VDF ont été visités, avec du matériel subtilisé par de mystérieux inconnus. 
 
Pas de procédure judiciaire en cours 
A notre connaissance, aucune procédure judiciaire n’a été enclenchée, ni par la mandataire judiciaire ni même par aucun autre acteur du dossier. Plusieurs clients du constructeur se sont toutefois posé la question, mais ont renoncé. « Nous ne voulons qu’une chose : que nos maisons soient terminées et que ce cauchemar soit derrière nous. Faire appel à un avocat coûterait trop d’argent et ne servirait au final pas à grand-chose », reconnaît Fabienne Torailles, une cliente vendéenne. Le mandataire judiciaire a trois ans à partir du jour de la liquidation pour intenter une action devant les tribunaux. 

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