Michel Brunet : « Nous sommes  tous des migrants »

En 2018, l’Espace Mendès-France inaugurera une grande exposition scientifique qui va briser, comme d’habitude, quelques idées reçues. Son nom : « Tous humains ! ». Une affirmation qui devrait susciter un écho particulier au vu de l’actualité.

Romain Mudrak

Le7.info

« Nous sommes tous des Africains », assure Michel Brunet depuis quelques années. Le 30 mars prochain, l’Espace Mendès France complè- tera son propos avec une toute nouvelle exposition baptisée « Tous humains ! ».

En s’appuyant sur les travaux du paléo-anthropologue poitevin(*), ce haut lieu de la culture scientifique va s’atteler à démontrer qu’en dépit de leurs différences morphologiques et culturelles, les hommes et les femmes font partie d’un seul et unique groupe : l’espèce humaine. Michel Brunet, c’est lui qui a découvert, en 2001, un crâne vieux de 7 millions d’années dans le désert du Tchad. Baptisé Toumaï, il est désormais reconnu comme le plus ancien représentant du genre humain. Voilà pourquoi le chercheur poitevin et professeur au Collège de France rappelle inlassablement nos origines africaines. « Le plus ancien fossile d’hominidé retrouvé hors d’Afrique n’est daté que d’1,8 million d’années. Cela signifie que nous avons passé au moins 5 millions d’années en Afrique avant de migrer. Bref, hors d’Afrique, nous sommes tous des migrants. »

La race humaine n'existe pas
Qu’il soit le fruit de risques climatiques ou politiques, d’into- lérance ou de la guerre, l’exil a toujours profondément marqué l’histoire des Hommes. La fuite de la communauté Rohingyas, pourchassée en Birmanie, est un exemple emblématique (lire ci-dessous). Michel Brunet précise qu’il ne fait « pas de politique, seulement de la science ». C’est dit. Mais face à la polémique sur le traitement actuel des migrants en Europe, cette af- firmation résonne d’une façon dramatiquement singulière. Le concept de races humaines fait aussi bondir le chercheur. « Elles n’existent pas. A partir du génome du loup, on a opéré une sélection pour créer de manière artificielle des races de chiens allant du Yorkshire au Saint-Bernard. Jamais personne n’a fait cela pour l’Homme. Nous avons tous des ancêtres communs. » Le terme est pourtant encore inscrit sur la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948... La couleur de peau ? Idem. « Ce n’est qu’une adaptation aux conditions climatiques, certains ont blanchi en migrant vers l’Eurasie », rappelle le scienti- fique. Reste à savoir pourquoi ces aberrations sont continuellement diffusées.

Tous ces éléments et bien d’autres -par exemple, on ne descend pas du singe !- seront expliqués dans l’exposition « Tous humains ! » qui, à coup sûr, brisera quelques idées reçues. « Il faut rappeler aux jeunes notre histoire afin qu’ils aient des points de repère au moment de bâtir leur avenir », conclut Michel Brunet. Lui continue de mettre ses compétences au service de la société.

(*) Cette exposition est réalisée avec l’Iphep, l’université de Poitiers, le CNRS, le Collège de France, la mission paléoanthropo- logique franco-tchadienne et la D3E. « Tous humains ! », du 30 mars 2018 au 3 mars 2019 à l’EMF. Retrouvez le programme de la saison.

 

Photographie
Zoom sur les Rohingyas
Fin novembre, le photographe poitevin Jean-François Fort a passé huit jours dans un camp de réfugiés de Rohingyas, au Bangladesh. A travers son objectif, il a pu constater toute la détresse de cette communauté pourchassée de l’autre côté de la frontière, en Birmanie. Les centaines de clichés rapportés sont autant de témoignages d’un exil forcé. Jean-François Fort a effectué cette mission en collaboration avec Gonoshasthaya Kendra. En 2015, cette association humanitaire bangladaise lui avait déjà permis de rencontrer des rescapés, ainsi que des familles de victimes de l’effondrement du Rana Plaza. De nombreuses marques occidentales font fabriquer leurs collections dans cet ensemble gigantesque d’ateliers textiles précaires, situé à Dacca. Certains se souviennent encore de ces visages exposés devant l’Hôtel de ville. Plus récemment, le photographe a immortalisé d’autres migrants, arrivés d’Afrique et du Moyen-Orient directement à Poitiers. Tous les lundis, le « 7 » publie d’ailleurs ces photos et témoignages.

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