Le refuge des avocats en péril

Revenus modestes, pression incessante... De plus en plus d’avocats vivent mal leur métier. A Poitiers, le barreau a créé une cellule d’aide pour prévenir les situations de crise et inciter les confrères à parler de leurs difficultés.

Romain Mudrak

Le7.info

En France, un avocat sur cinq vit mal de sa profession. Au barreau de Poitiers, le ratio est moins élevé, mais les statis- tiques reflètent tout de même une tendance à la paupérisation de la profession. Une vingtaine de conseils se trouvent actuelle- ment en souffrance économique sur les trois cent vingt-sept ins- tallés. Deux dépôts de bilan ont récemment été enregistrés avec, à chaque fois, une période de redressement judiciaire encore en cours.

Contrairement aux idées reçues, les avocats pauvres existent bel et bien. Et le phénomène prend de l’ampleur. Si bien que la Conférence nationale des bâtonniers a organisé une session de formation sur ce thème, début juin à Poitiers. Dans son propos introductif, le président Yves Mahu a avancé une explication : « La démographie est galopante. Dans les facultés de Droit, on pense encore que le métier d’avocat nourrit aisément son homme. Ce n’est pas le cas. » Il en a profité pour appeler ses collègues à « aller à la rencontre des étudiants pour leur expliquer la réalité du métier ». De son côté, le bâtonnier de Poitiers, Thomas Drouineau, constate que ses « jeunes confrères s’orientent souvent vers des spécialités déjà bouchées, comme le droit pénal où ils se retrouvent, de plus, faiblement indemnisés par l’aide juridictionnelle ». Dans d’autres cas encore, ces experts du droit se découvrent incapables de gérer l’entreprise ordinaire qu’est leur cabinet.

Echanges informels
Quelles que soient les raisons invoquées, une chose est sûre : les barreaux locaux ont le de- voir, à la fois légal et moral, de détecter les difficultés de leurs confrères. Dans une profession autorégulée comme celle d’avocat, c’est l’usage. Et la tâche des bâtonniers n’est pas simple, car les professionnels sont plutôt avares de confidences sur leurs propres difficultés.

Pour les aider, les autorités peuvent compter sur les informations provenant de nombreux organismes et du fisc concernant le non-paiement de cotisations et de charges. A Poitiers, la « Maison des avocats » abrite depuis un an et demi la « Casa », autrement dit la Cellule d’aide et de soutien aux avocats. Deux confrères, reconnus pour leur discrétion et leur loyauté, sont chargés de veiller sur les autres.

« Ce ne sont ni des psys, ni des coaches, mais un peu des deux, explique Me Drouineau. Ils donnent des conseils autour d’un café pris au bar du coin ou orientent certains confrères isolés vers moi. Je les reçois alors en toute confidentialité. » Le barreau peut ensuite leur octroyer une aide exceptionnelle, tirée des caisses locales ou nationales. Une manière de surmonter une mauvaise passe.

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