Olivier Razemon : « La ville, un lieu de rencontre »

Journaliste et auteur de « Comment la France a tué ses villes », Olivier Razemon estime que le centre-ville est le lieu où doit se matérialiser nos sociétés multiculturelles.

Romain Mudrak

Le7.info

La désertification des centres-villes est-elle un phénomène commun à de nombreuses villes ?
« On a tendance à croire que ça n’arrive qu’à nous, mais en réalité, c’est un phénomène répandu et banal dans toutes les villes moyennes. Les grandes métropoles et les villes touristiques sont les seules exceptions. »

Existe-t-il des facteurs communs ?
« Le plus visible, ce sont les vitrines vides des commerces. Mais d’autres éléments confirment cette crise urbaine qui concerne l’ensemble de la ville et pas uniquement les commerces. Le logement par exemple. Pendant des dizaines d’années, on a bâti des villes en dehors des villes. Non seulement des centres commerciaux mais aussi des lotissements, services, piscines, cinémas et autres équipements de loisirs… On a étalé la ville, sans rapport avec l’augmentation du nombre d’habitants. Le règne du tout-voiture y est pour beaucoup. Mais les élus ont aussi une responsabilité. »

De quelle nature ?
« On continue de construire partout en France des centres commerciaux ou des équipements en dehors des villes. La grande distribution argumente sur les créations d’emplois ou sur l’arrivée d’une grande enseigne qui engendre une fierté pour la ville. Les élus sont responsables parce qu’ils donnent les autorisations, les promoteurs aussi évidemment, et une passivité de la population et de la presse lorsqu’une grande enseigne veut s’installer. Il n’y a pas de réflexion à long terme. On imagine que cela va faire venir des gens de loin, mais en fait cela draine plutôt des gens de près au détriment des commerces de leur quartier. Il faut arrêter cela, d’autant que les friches commerciales se développent. C’est une aberration absolue. »

Comment faire revenir les gens en ville ?
« Il faut d’abord améliorer la qualité de vie des habitants de la ville, sans vouloir forcément attirer ceux qui viennent de loin. Les gens qu’on croise en ville y travaillent ou y habitent le plus souvent. Voilà pourquoi il est important d’avoir des employeurs, des équipements, des services en ville. Quand une administration veut quitter le centre-ville pour s’installer dans des locaux plus fonctionnels en périphérie, elle doit bien réfléchir. La ville, c’est aussi un lieu de rencontre, là où se matérialise la société multiculturelle dans laquelle nous sommes. Si ces échanges ne se manifestent pas ici, cette société éclatera. »

Poitiers a fait le choix de la piétonisation, un modèle gagnant, selon vous ?
« D’une manière générale, il faut réduire le décalage entre une partie du centre qui serait piétonnier et le reste de la ville, toujours dédié à la voiture. La piétonisation apporte de bonnes choses, mais on doit pouvoir y accéder facilement y compris à pied. Si les voitures, poussettes, valises ou autres sont bloquées, les gens trouveront un prétexte pour aller sur les zones commerciales de périphérie. A l’inverse, si la population a le réflexe de se déplacer dans son quartier à pied, elle prendra plus facilement le bus pour aller en ville. Mais à partir du moment où les gens montent dans leur voiture, ils iront plus facilement en périphérie. Le déploiement du vélo traditionnel et à assistance électrique est très bien. Il faut réfléchir à l’apaisement global de la ville. »

Photo - copyright :Maxime Massole

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