3 questions à Elisabeth Morin-Chartier, eurodéputée :  « Mieux définir la rémunération »

Elisabeth Morin-Chartier est l'auteur d'un rapport sur les travailleurs détachés qui servira de base à l'évolution de la directive de 1996, largement dévoyée aujourd'hui. Jeudi dernier, elle a présenté ses premières préconisations devant la commission Emploi et Affaires sociales du Parlement européen.

Romain Mudrak

Le7.info

Comment menez-vous la concertation sur la question des travailleurs détachés ?
« Depuis avril dernier, je multiplie les rencontres avec les ministres du Travail de l'Union européenne et leurs conseillers. De nombreux pays s'intéressent au sujet. Je reçois aussi  les organisations patronales et salariales, dont certaines sont très spécialisées comme les pilotes de ligne. Les lobbies se mobilisent, particulièrement dans les pays de l'Est qui veulent peser sur cette directive. Pour autant, ils comprennent l'importance de cette réglementation car eux aussi commencent à être concurrencés par les salariés de Moldavie et d'Ukraine. Sur un autre plan, le fait que les eurodéputés m'aient élue une deuxième fois au poste de premier questeur montre qu'ils me font confiance. Cela pourrait peser sur le vote final. »

La rémunération est au cœur de votre projet de réforme...
« Il s'agit en effet de remplacer la notion de salaire minimum obligatoire par une « rémunération » intégrant les primes, le treizième mois et tous les bonus auxquels ont droit les salariés français. On remarque que des entreprises respectent sur le papier la règle du salaire minimum, mais défalquent en réalité des frais de transports, d'hébergement, de nourriture... Notre but consiste à interdire cette manœuvre et à mieux définir la rémunération. Pour lutter contre les détachements en « cascade », menés d’un pays à l’autre par des agences d'intérim spécialisées, nous voulons privilégier le code du travail du pays d'accueil. Enfin, il faut déterminer la durée de la mission au-delà de laquelle le salarié bénéficie de droits étendus. »

Que pensez-vous de la clause Molière, intégrée par certaines collectivités dans leurs appels d'offres ?
« Cette clause Molière oblige les prestataires à employer des travailleurs détachés qui savent parler le français. Elle est discriminante car elle empêche la libre circulation des salariés en Europe. Or, la France a besoin des salariés détachés, comme par exemple des carreleurs qui viennent en nombre de Hongrie. Au-delà, les autres pays de l'Union finiront par appliquer un principe de réciprocité. Et il ne sera pas facile de trouver des salariés français qui parlent le hongrois ! »

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